Myoaponévrosite plantaire et fibromatose plantaire

Par
  • Pr Catherine CYTEVAL

Date de publication : 27 novembre 2012 | Mis à jour le 23 mai 2016

Compte rendu

Diagnostic

Myoaponévrosite plantaire et fibromatose plantaire

Anamnèse

Une patiente de 46 ans consulte pour un nodule apparu de manière spontanée à la face plantaire du médio-pied.

Il est sensible à la palpation. Dans ses antécédents on retient des douleurs chroniques taliennes sans notion de traumatisme.

Une IRM des deux pieds est réalisée.

Résultats

Anomalie de signal de type inflammatoire de l'enthèse de l'aponévrose plantaire gauche et du muscle court fléchisseur des orteils en faveur d'une myoaponévrosite plantaire.

Anomalie de signal du tiers moyen de l'aponévrose plantaire gauche correspondant à une fibromatose plantaire (maladie de Ledderhose).

Discussion

Rappel anatomique

L’aponévrose plantaire participe au maintient de la structure architecturale en arche du pied. Elle présente grossièrement une structure triangulaire à base antérieure et à sommet postérieur (processus calcanéen médial).
On distingue trois composantes qui recouvrent les trois loges musculaires sus-jacentes :
La composante centrale est la plus épaisse, la plus solide et la plus importante sur le plan fonctionnel et pathologique ; elle recouvre le muscle court fléchisseur des orteils
La composante médiale recouvre le muscle abducteur de l’hallux, la composante latérale recouvre le muscle abducteur du Vème orteil.

Démarche diagnostique concernant l’anomalie de signal de l’enthèse

La patiente ne décrit aucun antécédent de traumatisme ni d’impotence fonctionnelle aigue, on peut donc éliminer une origine traumatique d’autant que cette dernière est généralement localisée au tiers moyen de l’aponévrose.
Concernant l’atteinte proximale, il s’agit d’une pathologie inflammatoire de l’aponévrose plantaire. On distingue deux pathologies : fasciite plantaire et l’enthésopathie plantaire (ou myoaponévrosite). Cliniquement le tableau clinique est le même avec des plantalgies mécaniques le plus souvent médiales.

  • La fasciite plantaire correspond à une dégénérescence collagénique de l’aponévrose. En IRM on retrouve un hypersignal DPfatsat prenant le contraste après injection de gadolinium centré sur la portion proximale de la composante moyenne de l’aponévrose plantaire. Cet hypersignal peut s’étendre aux parties molles musculaires mais respecte classiquement l’enthèse et le calcanéus.
  • L’enthésopathie plantaire atteint l’enthèse de l’aponévrose plantaire et classiquement des muscles court fléchisseur des orteils et abducteur de l’hallux. En IRM on retrouve un hypersignal DPfatsat prenant le contraste après injection de gadolinium intéressant l’enthèse de l’aponévrose plantaire et des muscles atteints. Cet hypersignal s’étend classiquement au calcanéus comme c’est le cas de notre patient.

Dans le cas présent le muscle abducteur de l’hallux est respecté, par contre le muscle court fléchiseur des orteils est inflammatoire.
Il faut distinguer l’enthésopathie mécanique pour laquelle la surcharge pondérale est un facteur étiologique indiscutable, de l’atteinte inflammatoire des spondylarthropathies. Un argument d’imagerie en faveur d’une atteinte rhumatismale est l’importance de l’oedème médullaire du calcanéus qui n’est pas présent ici et ne fait donc pas suspecter cette hypothèse.

Démarche diagnostique concernant l’anomalie de signal du tiers moyen de l’aponévrose
Concernant l’atteinte distale, elle ne peut pas s’intégrer dans le cadre d’une aponévrosite car elle est trop distale et trop nodulaire.
Les deux premières hypothèses à évoquer devant l’imagerie sont soit des séquelles chroniques de rupture de l’aponévrose (mais la patiente ne décrit pas d’épisode de douleur aigue), soit une fibromatose plantaire ou maladie de Ledderhose, qui est donc la première hypothèse à évoquer.
Fibromatose plantaire
Elle correspond à une prolifération bénigne fibroblastique de l’aponévrose plantaire, survenant en général entre 30 et 50 ans. Cette pathologie appartient à la famille des maladies fibrosantes aponévrotiques et capsulaires, comme la maladie de Dupuytren. Ces pathologies sont marquées par une dégénérescence tissulaire vers la fibrose et même vers la sclérose, d'où une tendance à l'installation de rétractions aponévrotiques et/ou capsulaires. Elle est bilatérale dans 10 à 50 % des cas et peut s’associer à une maladie de Dupuytren ou de Lapeyronie (10 à 65% des cas).
La maladie est favorisée par plusieurs facteurs :

  • l'alcoolisme chronique,
  • les traumatismes locaux,
  • et le diabète sucré.

Elle est beaucoup plus fréquente chez l'homme par traumatisme et alcoolisme ; chez la femme, on suspecte, de principe, un diabète sucré.
La maladie de Ledderhose peut survenir dans 2 circonstances :

  • elle accompagne à une maladie de Dupuytren,
  • où elle survient de façon isolée.

Cliniquement le nodule est perçu mais non ou peu sensible. Contrairement à la maladie de Dupuytren , la rétraction tendineuse est exceptionnelle.
L’imagerie montre un nodule ovalaire ou rond, à grand axe antéro-postérieur. Il mesure en général moins de deux centimètres et est localisé au niveau du tiers moyen de l’aponévrose plantaire, le plus souvent en regard de la base des premiers métatarsiens. Leur signal échographique et IRM est variable en fonction de leur composant cellulaire. Il est en hyposignal T1, le signal T2 et la prise de contraste étant variable, intense dans 50% des cas.
Le traitement est inutile, indiqué en cas de douleur ou de doute avec une autre lésion tumorale, notamment si sa taille est supérieure à deux centimètres.

Plusieurs autres diagnostics différentiels sont à évoquer

Séquelles chroniques de rupture de l’aponévrose :
Au stade chronique la rupture de l’aponévrose se présente sous la forme d’un épaississement nodulaire ou fusiforme de signal variable en T1 et DP fatsat. Il peut exister une zone kystique ou hémorragique.
Le diagnostic repose sur la clinique : l’athlète est le plus souvent touché. La rupture survient le plus souvent sur un démarrage brutal ; elle peut également résulter de micro-traumatismes répétés. Le patient présente une impotence fonctionnelle importante avec souvent impossibilité de marcher.
Dans le cas présent l’imagerie est compatible avec ce diagnostic, mais il n’existe aucun antécédent de traumatisme aigu.
Il ne faut pas méconnaître le mélanome des tissus mous qui au niveau du pied se développe soit sur le tendon calcanéen, soit sur l’aponévrose plantaire. Cette tumeur qui survient chez l’adulte jeune (20 à 30 ans) se traduit cliniquement par une masse indolore de croissance lente qui mesure 3 centimètres lors du diagnostic. Le pronostic est sombre avec des récidives locales ou métastatiques fréquentes, une médiane de survie entre 3 et 4 ans.
Les caractéristiques IRM qui doivent alerter sont l’hypersignal T1 présent dans 50% des cas (présence de mélanine), la taille supérieure à deux centimètres et une prise de contraste intense.
Les autre lésions pseudo-tumorales plus rares développées au dépend de l’aponévrose plantaire sont la fasciite plantaire et le xanthome de l’aponévrose plantaire.
La fasciite nodulaire correspond à un nodule sous-cutané ou musculaire de croissance rapide accompagné d’une rétraction fibreuse, aspécifique en imagerie ; le diagnostic est anatomopathologique.
Le xanthome correspond à un amas d’histiocytes au contenu lipidique rencontré dans les hyper-lipoprotéinémies de type IIA ou III. L’aspect IRM est caractéristique : épaississement fusiforme de l’aponévrose plantaire ou du tendon calcanéen avec des zones en hypersignal T1, hyposignal T2.